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Valoriser le collectif pour travailler sa performance



La figure du « top performer » n’a pas disparu, mais elle est désormais solitaire. Et parfois, isolée. À mesure que les entreprises naviguent dans un monde toujours plus complexe, incertain et interdépendant, le modèle de la performance individuelle atteint ses limites.


Ce que l’on valorise de plus en plus, ce n’est plus la capacité à briller seul, mais plutôt à faire émerger l’intelligence du groupe, à écouter les signaux faibles, à co-construire dans la nuance. Bref, à performer ensemble.


L'essence de la performance durable collective


Les études les plus sérieuses convergent vers une idée simple : la performance durable est collective, ou elle n’est pas.


Le célèbre Projet Aristotle, mené par Google sur plusieurs centaines d’équipes, a démontré que les groupes les plus efficaces n’étaient pas composés des meilleurs éléments mais de ceux qui s’accordaient la liberté de s’exprimer sans peur du jugement.


En un mot : la sécurité psychologique (Harvard Business Review, 2016).


Amy Edmondson, professeure à Harvard et pionnière du sujet, va plus loin : sans cette confiance implicite, il est impossible d’apprendre ensemble, et donc d’évoluer.


De leur côté, les données de Korn Ferry rappellent que les entreprises qui développent activement les compétences dites « relationnelles » (écoute, coopération, intelligence émotionnelle) enregistrent un rendement supérieur de 18 % par rapport à celles focalisées sur la performance individuelle. Autrement dit : ce sont les liens qui créent les résultats.


Et si l’on cessait de “travailler en équipe”… pour apprendre à devenir une équipe ?


Trop souvent, la "collaboration", "l'esprit d'équipe", la "coopération" sont des mots que l’on colle aux fiches de poste sans jamais prendre le temps d’en explorer le contenu réel. On demande aux gens de coopérer, sans jamais leur apprendre à le faire.


Pourtant, un cadre existe pour structurer cette dynamique : le modèle de l’entreprise apprenante, développé par Peter Senge.


Dans une organisation apprenante, la performance collective n’est pas un effet secondaire : elle est un objectif explicite, nourri par cinq disciplines essentielles.


D’abord, celle de la maîtrise personnelle (1), qui ne se limite pas au développement de compétences, mais suppose un lien profond entre vision individuelle et sens collectif. Elle exige que chacun puisse cultiver sa lucidité, son discernement, sa stabilité émotionnelle.


Ensuite, il y a les modèles mentaux (2) : ces croyances parfois inconscientes qui conditionnent nos comportements (« demander de l’aide, c’est perdre en légitimité », « je dois prouver ma valeur seul »). Les identifier, les interroger et les déconstruire collectivement est une démarche fondatrice.


Vient alors la vision partagée (3), non pas comme un slogan corporate placardé dans un hall, mais comme une dynamique vivante, mobilisatrice, qui engage chacun à se projeter dans un avenir commun. Elle ne s’impose pas, elle se construit, en croisant les aspirations individuelles avec le projet collectif.


La discipline de l’apprentissage en équipe (4), ensuite, redonne toute sa place à la parole collective, à la co-construction, à la possibilité de confronter sans heurter. Elle valorise la diversité cognitive autant que l’harmonisation des pratiques. C’est là que naît la coopération authentique.


Enfin, la pensée systémique (5) nous rappelle que chaque action, chaque tension, chaque silence produit un effet dans l’ensemble du système. Le collectif n’est pas un alignement d’individus mais un tissu de relations vivantes, sensibles et évolutives.


Valoriser le collectif : un enjeu d'acculturation de l'entreprise


Instaurer cette culture ne se résume pas à créer un canal Slack « entraide » ou à organiser un séminaire dans les Vosges.


Cela suppose un investissement structurel :

  • Former à la coopération (et pas seulement au travail en binôme)

  • Reconnaître les rôles invisibles (celui qui apaise, celle qui relie, ceux qui fluidifient sans jamais s’imposer)

  • Ouvrir des espaces de parole, d’écoute, de supervision collective

  • Récompenser le soutien mutuel, autant que les résultats individuels


Car ce sont aussi les pratiques de reconnaissance qui conditionnent ce que l’on ose offrir au collectif.


En conclusion


Valoriser le collectif, c’est renverser un paradigme. C’est dire que la performance ne se mesure pas seulement à ce que chacun produit, mais à ce que chacun permet.


Et dans un monde professionnel en tension, c’est peut-être la meilleure manière de réconcilier bien-être et efficacité. Pas en ajoutant des outils de collaboration mais en redonnant au mot « équipe » tout ce qu’il implique : confiance, apprentissage, interdépendance, écoute.


Sources citées :

 
 
 

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