Pourquoi la surcharge d’informations détruit la concentration ?
- joannahaouzi
- il y a 3 jours
- 3 min de lecture

On ouvre un onglet. Puis un autre. Et encore un.
Une réunion en visio commence pendant qu’un collègue nous envoie un message “urgent” sur Teams.
Une notification LinkedIn surgit.
Puis une info de dernière minute sur l’intranet.
La réunion n’est pas encore terminée que déjà trois mails attendent une réponse “rapide”.
C’est ce que les neuroscientifiques appellent un environnement cognitif fragmenté. Et ce n’est pas simplement fatigant. C’est destructeur pour notre concentration.
Quand trop d’informations tue… la capacité à traiter l’information
Nous vivons à une époque où la quantité d’informations que nous recevons quotidiennement est sans précédent.
Selon une étude menée par l’Université de Californie à San Diego, un individu absorbe en moyenne l’équivalent de 34 Go de données par jour — soit plus de 100 000 mots.
Mais notre cerveau n’a pas changé de version depuis l’Antiquité. Il reste conçu pour traiter les signaux utiles à la survie, établir des connexions durables, et se focaliser sur une tâche à la fois.
Face à une surcharge informationnelle, il active des mécanismes de défense :
Fragmentation de l’attention
Hyper-vigilance cognitive (le fameux FOMO : Fear Of Missing Out)
Fatigue décisionnelle
Procrastination compensatoire
Résultat : nous passons notre temps à switcher… sans jamais vraiment nous concentrer.
Ce que dit la science : notre attention n’est pas illimitée
Le cortex préfrontal, siège de la concentration, de la mémoire de travail et de la planification, n’est pas multitâche. Chaque fois que nous passons d’une tâche à l’autre, il perd de l’énergie.
Selon les travaux de Gloria Mark (Université de Californie), il faut en moyenne 23 minutes et 15 secondes pour retrouver une concentration optimale après une interruption.
Pire encore, plus les interruptions sont fréquentes, plus le cerveau développe ce qu’on appelle le mode “survol” : un état où l’on lit, entend, traite, mais sans profondeur, sans ancrage durable.
Des effets concrets… et coûteux
Dans le monde professionnel, cette surcharge a des conséquences très concrètes :
Perte de productivité : selon McKinsey, un salarié passe en moyenne 28 % de son temps à gérer ses e-mails.
Baisse de qualité des décisions : en raison de la fatigue cognitive accumulée, le cerveau prend plus de raccourcis (biais de confirmation, décisions impulsives).
Épuisement mental : la saturation informationnelle active une réponse de stress chronique, qui alimente l’irritabilité, l’anxiété et le repli.
Et surtout : l’impression de ne jamais être “vraiment dedans”. Ni dans une tâche, ni dans une conversation, ni dans son propre rythme.
L'infobésité : nouveau mal du siècle ?
Ce phénomène porte un nom : l’infobésité. Un trop-plein de contenus, sollicitations, messages, obligations cognitives.
La métaphore est parlante : comme en nutrition, ce n’est pas la quantité qui fait problème, c’est l’excès non digéré.
Selon l’OCDE, plus de 50 % des salariés européens estiment qu’ils sont “trop sollicités pour pouvoir se concentrer efficacement”. Le paradoxe ? Plus nous avons accès à l’information, moins nous accédons à la clarté.
Que faire ? Recréer des environnements “concentration-friendly”
Voici quelques leviers concrets à l’échelle individuelle et organisationnelle :
🧘♀️ Réduire les micro-interruptions
Couper les notifications non urgentes
Planifier des temps sans mail ni messagerie instantanée
Travailler en mode “deep work” par blocs de 90 minutes
🗂 Clarifier les canaux d’information
Créer des règles de circulation des infos (où, quand, comment ?)
Éviter la redondance (un message + un mail + un rappel = perte de repères)
🤝 Responsabiliser l’organisation
Former les équipes à la gestion cognitive de l’attention
Sensibiliser les managers aux effets des interruptions constantes
Valoriser la concentration comme une ressource stratégique
En conclusion
Notre époque célèbre l’instantané, l’agilité, la réactivité. Mais ces qualités ont un revers : la saturation mentale.
Et si l’entreprise apprenante de demain était celle qui protège la concentration de ses collaborateurs comme une ressource rare ? Non pas en imposant le silence, mais en revalorisant le temps long, l’attention profonde, le droit d’être pleinement présent.
Car à force de vouloir tout capter, on finit par ne plus rien saisir.
Sources :
Université de Californie – Gloria Mark : Multitasking in the Digital Agehttps://gloriamark.com/research
McKinsey Global Institute – The social economy (2012)https://www.mckinsey.com/industries/technology-media-and-telecommunications/our-insights/the-social-economy
INRS – La surcharge mentale au travailhttps://www.inrs.fr/demarche/risques-psychosociaux/charge-mentale.html
OCDE – Digitalisation and Work (2021)https://www.oecd.org/employment/digitalisation-and-work.htm
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