Et si la fuite des talents commençait… au niveau managérial ?
- joannahaouzi
- 14 avr.
- 3 min de lecture

« Il part pour un nouveau challenge ». La formule est élégante, parfois sincère… mais souvent utilisée pour masquer un malaise bien plus profond. En effet, si le turnover fait partie de la vie des entreprises, il devient préoccupant lorsqu’il révèle une défaillance systémique du management.
Selon une étude menée par Gallup, 75 % des salariés ne quittent pas leur poste, mais leur manager. Et en France, 1 manager sur 2 ne se sent pas préparé à manager des humains (IFOP, 2022). Face à ces chiffres, une question se pose : et si la fuite des talents n’était pas un problème RH, mais un problème de posture managériale ?
Quand le management devient un facteur de risque
La fonction de manager a longtemps été associée à une progression logique dans la hiérarchie. Or, être expert dans son domaine ne garantit en rien la capacité à accompagner, écouter, ajuster, motiver.
Voici trois signaux faibles, trop souvent ignorés, qui précèdent les départs en silence :
Le micro-management anxieux : un manager qui contrôle tout, par peur de l’échec, étouffe l’autonomie de ses collaborateurs et alimente la défiance.
L’absence de reconnaissance : on s’habitue vite à ce qui fonctionne, on signale surtout ce qui cloche. Résultat : le feedback positif devient une exception, alors qu’il est un levier puissant de motivation.
Le déficit d’écoute : les signaux faibles d’un mal-être ou d’un désengagement sont visibles… à condition d’avoir développé l’attention émotionnelle et relationnelle.
La culture d’entreprise comme antidote à la fuite
Un manager seul ne fait pas l’entreprise. C’est la culture managériale collective qui, en réalité, façonne les comportements.
Dans une organisation où l’on valorise le résultat au détriment du dialogue, le manager devient un relais de pression, pas un moteur de développement. Le sujet n’est donc pas seulement individuel, mais structurel.
Les entreprises qui réduisent leur turnover ne se contentent pas de récompenser la performance :
Elles créent un cadre de sécurité psychologique (Amy Edmondson)
Elles investissent dans la formation des managers à l’écoute active, à la posture de feedback, au développement des talents
Elles intègrent des espaces d’accompagnement (co-développement, supervision, coaching) comme leviers stratégiques de fidélisation
Quelques clés concrètes pour les managers
Un bon manager n’est pas celui qui a réponse à tout, mais celui qui sait :
Dire “je ne sais pas” quand il faut. La vulnérabilité maîtrisée crée la confiance.
Poser des questions ouvertes plutôt que de distribuer des directives.
Faire régulièrement un point relationnel, pas seulement opérationnel.
Adapter son style de management au niveau d’autonomie du collaborateur (cf. modèle de Hersey & Blanchard).
Valoriser les efforts invisibles : les soft skills, l’aide aux collègues, la régulation émotionnelle.
La fuite des talents est rarement une surprise
Un départ volontaire est rarement un geste impulsif. Il est souvent précédé par :
des alertes discrètes (désengagement, fatigue émotionnelle, repli)
des besoins non exprimés, ou non accueillis
une succession de micro-renoncements silencieux
Il ne suffit pas de retenir les talents à coups de prime ou de baby-foot (à lire, le livre de Julia de Funès, la vertue dangeureuse). Il faut leur donner envie de rester, car ils se sentent écoutés, valorisés, compris, projetés.
En conclusion
Le management, dans sa version la plus noble, est un acte d’accompagnement et de croissance.Un bon manager ne garde pas ses équipes par loyauté, mais parce qu’il les aide à grandir.
Et si on commençait par là ?
Sources :
Gallup, State of the American Manager Report (2019) : lien
IFOP, Le management à l’heure des nouvelles attentes des salariés (mars 2022) : lien
Amy C. Edmondson, The Fearless Organization, 2018 : lien
Julia de Funès, la vertue dangereuse : lien
Projet Aristotle, L’étude de Google sur les équipes les plus performantes : restitution HBR
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